Les droits du travail - La réorientation professionnelle dans le secteur privé

Quel est le cadre de reclassement professionnel dans le secteur privé ?

Jean émet le souhait de reprendre le travail avant la fin de son arrêt. Il organise donc une visite de pré-reprise avec le médecin du travail. Son oncologue le soutient dans sa démarche et lui propose une reprise à temps partiel thérapeutique. Cependant, Jean préfère reprendre à temps plein. Son employeur, averti 15 jours à l’avance de sa reprise de poste, organise dès le premier jour de son retour sa visite de reprise auprès du médecin du travail. Celui-ci doit évaluer l’adéquation entre l’état de santé de Jean et son poste de travail.
Suite aux visites de pré-reprise et de reprise, le médecin du travail émet un avis d’aptitude et considère que Jean peut reprendre son poste de travail. Ce dernier est inquiet à l’idée de ne plus retrouver son poste d’origine, car il sait que son employeur a engagé quelqu’un pour le remplacer.

  • Si le poste de Jean n’est plus disponible, son employeur doit le réintégrer dans un emploi similaire, avec des responsabilités et un salaire équivalent.
  • Son employeur met fin au contrat d’intérim du remplaçant de Jean et celui-ci retrouve son poste.

Suite à une rechute de son cancer Jean est arrêté 3 mois et, comme il supporte bien ses traitements, il décide de reprendre le travail.

  • Le médecin du travail le déclare apte avec réserves et préconise des adaptations de son poste de travail. Il estime que Jean ne doit plus se déplacer chez les clients, qui sont parfois très éloignés de son entreprise, en raison de son état de santé.
  • Jean a peur que son employeur ne lui propose un reclassement sur le lieu du siège social de son entreprise au regard de ces nouveaux aménagements, ce qui l’obligerait à déménager. Il parle ouvertement de sa crainte à son employeur qui le rassure en lui promettant d’adapter un poste sur son lieu de travail habituel.
  • Suite à sa discussion avec Jean et à la réception des préconisations du médecin du travail, son employeur constate que son poste d’origine est difficilement aménageable car il exige de nombreux déplacements. Il lui propose donc un poste similaire, qui ne nécessite aucun déplacement, afin de respecter les adaptations préconisées par le médecin du travail.

Jean est arrêté car ses traitements le fatiguent. En parallèle, il apprend que son cancer pourrait être reconnu en maladie professionnelle. Il effectue les démarches pour obtenir cette reconnaissance, malgré son inquiétude concernant les conséquences que cette reconnaissance pourrait avoir par rapport à son poste de travail.

  • La jurisprudence prévoit que Jean doit retrouver son poste, ou un poste similaire, après son arrêt de travail et que, dans le cas où son employeur ne le réintègre pas, il devra verser à Jean une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire.
  • Lors de la visite de reprise, son médecin du travail renouvelle les préconisations antérieures, en ajoutant l’interdiction de contact avec les produits chimiques vendus par son entreprise. Concrètement, Jean peut reprendre le poste aménagé qui lui avait été proposé lors de son dernier arrêt. Ne se déplaçant plus chez les clients, Jean n’a plus à effectuer les démonstrations qui le mettaient en contact avec les produits chimiques vendus par son entreprise.

Après avoir repris le travail pendant quelques jours, Jean se rend compte qu’il a du mal à effectuer un temps plein. Il prend rendez-vous avec son oncologue – qui lui prescrit un temps partiel thérapeutique – et avec son médecin du travail.

  • Le médecin du travail propose à Jean un aménagement de son poste grâce à l’acquisition d’un fauteuil ergonomique, et de travailler un jour par semaine en télétravail afin de lui éviter la fatigue des transports. Face à l’incertitude de Jean, qui hésite à accepter ces aménagements, le médecin insiste sur le fait que Jean a obtenu sa reconnaissance en tant que travailleur handicapé (RQTH), ce qui permettra à son employeur d’obtenir des aides financières pour aménager son poste.
  • L’employeur de Jean accepte ces nouvelles conditions et Jean retrouve son poste.

Jean a repris son travail à temps plein mais il doit se rendre à l’hôpital pour des examens de contrôle plusieurs fois dans l’année, et il a également des séances de kinésithérapie à effectuer.

  • Il apprend qu’il peut obtenir des autorisations d’absence qui ne seront cependant pas rémunérées. Or, Jean ne veut pas perdre sa rémunération pendant ses absences pour ses contrôles médicaux ou ses séances de kinésithérapie. Il pense à prendre des congés ou à demander un arrêt de travail à son médecin. Après une discussion avec lui, son employeur accepte qu’il récupère ses heures en télétravail.
  • Lors du renouvellement d’une ordonnance, le médecin de Jean s’inquiète de sa fatigue. Il lui propose de maintenir la prescription d’un temps partiel thérapeutique pendant le temps de sa rééducation, et l’informe qu’il lui prescrira un arrêt de travail lorsqu’il sera convoqué à l’hôpital pour ses examens de contrôle.

Lors d’une visite de contrôle le médecin de la sécurité sociale se rend compte que l’état de santé de Jean ne lui permettra pas de reprendre à temps plein à la fin de sa prescription de temps partiel thérapeutique. Il décide de stabiliser son état de santé et de le classer en invalidité cat 1. Jean lui demande si cette mise en invalidité va avoir une incidence sur la reprise de son activité professionnelle.

  • Le médecin du travail lui explique que le classement en invalidité cat 1 permettra à Jean d’effectuer un temps partiel, d’obtenir des aménagements de poste et éventuellement un reclassement. Cela n’empêche pas sa reprise professionnelle.

Quelques années plus tard, l’état de santé de Jean s’aggrave à nouveau, ce dernier est classé en pension d’invalidité cat 2. Il décide de s’arrêter de travailler, d’autant qu’il bénéficie d’une prévoyance qui vient compléter les montants reçus au titre de sa pension d’invalidité. De plus, ses priorités ont changé, et il souhaite faire le point afin de reprendre un travail qui aura plus de sens pour lui lorsqu’il ira mieux.

  • Son employeur organise une visite de reprise et le médecin du travail déclare Jean inapte à son poste, en précisant expressément que tout poste de travail mettrait sa santé en danger et qu’il n’y a pas lieu de rechercher un reclassement.
  • Son employeur n’a donc pas l’obligation de lui trouver un reclassement et le licencie pour inaptitude.

Grâce à un traitement innovant Jean entre en rémission complète. Il décide de suivre une formation afin d’aider d’autres patients dans leur parcours de soins.

  • Diplômé, il reprend une activité bénévole auprès d’une association et augmente progressivement ses heures de présence. Après quelques mois, cette association reconnaît ses nouvelles compétences et lui propose un poste de coordinateur rémunéré.
  • Jean décide de prendre cet emploi car il s’épanouit dans ce travail et le montant de la rémunération proposée lui convient.
  • Sa pension d’invalidité est suspendue et sa prévoyance arrête ses versements.
  • Jean n’est pas inquiet car il sait que, si sa situation de santé devait se dégrader, il pourra demander la reprise du versement de sa pension d’invalidité et sa nouvelle prévoyance prendra le relais pour la compléter. Il pourra même demander la revalorisation de cette pension.

Ce que dit le droit :

L’avis d’aptitude

Réintégration du salarié dans son précédent emploi : Si celui-ci n’est plus disponible, il est réintégré dans un emploi similaire avec des responsabilités et une rémunération équivalentes. Un emploi similaire signifie qu’il n’entraîne pas une modification d’un élément essentiel du contrat, par exemple la qualification.

En cas de déclaration d’aptitude avec réserves : L’employeur doit proposer au salarié le précédent poste, si nécessaire réaménagé, ou un emploi similaire. L’employeur doit prendre en considération les préconisations du médecin du travail. S’il refuse de les appliquer, il doit en faire connaître, par écrit, les motifs au salarié et au médecin du travail, ou alors exercer un recours dans les 15 jours suivants devant le Conseil des Prud’hommes en référé.

En cas de maladie professionnelle : Dans son arrêt du 17 octobre 2012 de la Chambre sociale de la Cour de cassation, la Cour prévoit que « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail dues à un accident du travail ou une maladie professionnelle, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Si l’employeur ne remplit pas son obligation de réintégration, le salarié se voit octroyer une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ». Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

La reprise du travail avec des possibles aménagements

Les aménagements accessibles grâce à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) : Si le salarié bénéficie d’une RQTH ou d’un titre équivalent, son employeur devra, si nécessaire, aménager son poste de travail. À ce titre, il est aidé par l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH).

La reprise en télétravail : Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail.

Le télétravail n’est pas une forme de travail adaptée à tous les postes et à tous les individus. Elle suppose une bonne autonomie dans l’exercice des fonctions et l’aptitude à savoir gérer son temps.

Les autorisations d’absences en cas de maladie grave

Tout salarié atteint d’une maladie grave bénéficie d’une autorisation d’absence pour suivre les traitements médicaux rendus nécessaires par son état de santé. Les maladies longues et coûteuses figurant sur la liste de l’article D. 322-1 du Code de la sécurité sociale, ou reconnues comme telles par le contrôle médical, sont visées par cette mesure. Cette absence n’est pas rémunérée, sauf si le salarié est régi par des dispositions conventionnelles plus favorables.

Conseil : Sur le plan organisationnel, il est préférable d’aviser sa hiérarchie de son absence en amont.

En pratique : Beaucoup de salariés prennent des congés pour pouvoir s’absenter et se rendre à leurs examens médicaux de suivi (tous les 3, 6 ou 12 mois par exemple), ou ils demandent un arrêt de travail à leur médecin traitant.

Cependant, il faut souligner que l’objet des congés est de prendre du temps pour soi, pour se reposer ou partir en vacances. Prendre la décision d’utiliser ce temps pour le suivi médical peut avoir des conséquences sur l’état de santé. Les examens médicaux, comme le travail, peuvent être fatigants, aussi bien physiquement que moralement. En résumé, le risque en optant pour cette solution est d’avoir moins de temps pour se reposer et de s’exposer à un épuisement professionnellement (« burn out »).

Lorsque le salarié bénéficie d’arrêt de travail pour s’absenter dans le cadre de son suivi médical, il convient d’éviter une situation de tension à ce sujet en l’abordant avec le médecin du travail et éventuellement avec son employeur. En effet, les absences répétées peuvent entrainer une désorganisation de l’entreprise et l’employeur a la possibilité de licencier le salarié pour ce motif.

La conséquence de l’invalidité sur le contrat de travail

Il est important de ne pas confondre invalidité et inaptitude.

La mise en invalidité est du ressort du médecin conseil de la sécurité sociale. Tandis que l’inaptitude est prononcée par le médecin du travail.

Le cumul de la pension d’invalidité avec des revenus professionnels (salarié ou non salarié) est possible, à condition que le cumul ne dépasse pas le seuil de comparaison. Celui-ci est fixé soit :

  • Au niveau du salaire de la dernière année d’activité avant le passage en invalidité,
  • Au niveau du salaire annuel moyen des 10 meilleurs années d’activité.

Ce seuil est fixé selon la règle la plus favorable à l’assuré dans la limite du plafond de la Sécurité Sociale.

Lorsque le seuil de comparaison est dépassé, le montant de la pension d’invalidité au-dessus de ce seuil est réduit de moitié du montant du dépassement.

Des aides peuvent être accordées par l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapés (AGEFIPH) à l’entreprise ou directement au salarié, afin de mettre en place une solution de maintien de l’emploi (accessibilité, aménagement du poste de travail, formation professionnelle, bilan de compétence).

L’avis d’inaptitude

Le reclassement du salarié est obligatoire pour l’employeur, même si le salarié a été déclaré inapte à son poste temporairement. L’emploi doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé et tenir compte des conclusions du médecin du travail.

En revanche, il existe une exception à cette obligation de reclassement lorsqu’il y a une dispense expresse du médecin du travail. En effet, si le médecin mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur est dispensé de tout reclassement.